L’ensemble de la communauté géolienne a la tristesse d’apprendre le décès d’Hubert de la Roche, survenu lundi 9 novembre à l’âge de 95 ans. Hubert de la Roche, illustre géologue et géolien, diplômé de l’ENSG en 1949, a mené une carrière remarquable et gardait des liens très étroits avec l’association des diplômés de l’ENSG qui lui avait récemment remis un Marteau d’Honneur.
Nos pensées vont à sa famille et à ses proches.
Ses enfants – Godefroy, Marie-Catherine, Fabienne et Clémence- nous ont fait parvenir un texte rédigé par ses soins, dans lequel il retrace sa carrière :
“Venant de l’armée où je m’étais engagé à 19 ans pour la durée de la guerre, je fus consigné à l’école des officiers de Coëtquidan, mais je n’avais aucun goût pour la chose militaire et je pu profiter d’une libération des étudiants qui avaient interrompu leurs carrières pour s’engager dans la guerre. Nous fûmes accueillis au Lycée Jules Michelet à Toulouse dans une préparation assez spéciale et c’est là que Marcel Roubault, à l’affut de tempéraments vigoureux, vint persuader une partie d’entre nous de présenter le concours de l’Ecole de géologie.
Me voici embarqué pour 3 ans à Nancy, moitié géologue, moitié soirées mondaines dans la bourgeoisie locale.
Mes parents étant très peu fortunés, je fus heureux de signer un contrat d’engagement contre une modeste prime de 3ème année. Ce fut le grand départ pour Madagascar où la Société Géologique était structurée autour d’Henry Bésairie. Il restait des cartes à lever, principalement dans la région malfamée des hauts plateaux vers l’océan indien.
La géologie n’avait pas doté ce coin de richesses fabuleuses. Il fallait faire du levé dans des conditions difficiles avec une cohorte de 20 porteurs à travers la forêt… puis l’horizon s’est éclairci avec le levé des feuilles de Managuar, une belle région marquée par de superbes plantations de café. La région avait produit de l’or et parmi mes travaux je devais réévaluer ce qui pouvait rester de placers. En réalité, de très maigres récoltes de quelques sachets de poudre d’or.
Puis je descendis encore un peu plus vers le sud, dans la région de Fort Dauphin qui était alors le siège très animé du Commissariat à l’Energie Atomique pour la mise en valeur de l’Uranothorianite.. Moi, pauvre géologue du Service géologique de Madagascar, j’avais pour lot le levé de cette redoutable forteresse peu pénétrable.
Il y avait comme ressources quelques permis à Monazite. Et le véritable trésor était au bord de l’océan avec le cordon de rêve : du sable à Ilménite et Monazite. Il fallait innover pour fabriquer des sondes capables d’explorer le sable jusqu’à plus de 10 mètres de profondeur sous une petite superstructure de soutien des tiges. Par bonheur il n’y eu jamais d’accident et nous fûmes en mesure de donner une 1ère évaluation de ce grand gisement. Malheureusement, les conditions de réalisation d’un warf pour amener des bateaux de transport étaient un grand obstacle qui ne fut franchi que plus tard par une société Canadienne.
Nous vivions en saisons alternées avec les saisons sèches sur le terrain et les travaux de rapports et de laboratoire à Tananarive durant la saison humide.
Au total, ce fut une bonne époque, semée de difficultés. À Tananarive, la petite compagnie de géologues menait bon train et au total nous laisse plus de bons souvenirs que de mauvais.
Après, vint le temps de la préparation d’une thèse à Nancy et c’est là que prit corps mon attache au CRPG.
Marcel ROUBAULT, très intrépide, avait visité des fonderies équipées de grands spectromètres de masse pour analyser des coulées de fonte en lecture directe, et son tempérament lui suffisait pour décider que ce qui marchait pour les fonderies marcherait pour l’analyse des roches silicatées qui était à l’époque extrêmement défaillante.
Par quel miracle et avec combien de boites de chocolat put-il obtenir du CNRS la commande d’un grand spectromètre à réseau, une entreprise complètement folle qui paraissait vouée à l’échec. J’étais à la manœuvre avec l’énorme chance d’accueillir un stagiaire indien kupisani Govindaraju qui fut l’artisan de la réussite. Nous étions en mesure de fournir plusieurs milliers d’analyse par an et de les distribuer dans toute la France.
A cette époque, les standards géologiques de contrôle américains G1 et W1 s’effondrèrent et il nous revint de lancer des standards géologiques internationaux qui garantiraient la qualité de nos travaux : un granite de Sénone et le Basalte d’Essay la Côte, qui voyagèrent à travers le monde et serviraient de relais pour la création du journal géologique Géostandard Newsletter.
Grâce soit rendue à K Govindaraju, un ami fidèle sur lequel je pu toujours m’appuyer. Nos laboratoires développaient des automates et nous assurions la distribution d’analyses dans le monde entier.
Plus tard, un peu avant que l’on ne vienne me chercher pour prendre en main le Service Géologique National, nous avions la revue internationale Géostandard Newsletter qui, encore aujourd’hui, sert de trait d’union entre les analystes du monde entier et peu avant de quitter Nancy pour Orléans, j’eu l’opportunité de disposer d’un très grand fichier d’analyses constitué par un collègue australien.
Grâce à l’aide des informaticiens du Château du Montet, nos voisins, je pouvais traiter une grande quantité d’informations et je fus à l’origine d’une nouvelle classification chimique des roches parue dans Chimical Géologie et dont j’ignore le retentissement qu’elle pu avoir, mais j’avais pondu mon œuf et j’en étais fier !
Après, ce furent des années très chargées à Orléans avec des vicissitudes diverses. J’étais respecté mais soumis à une petite défiance, étant nouveau dans la maison. J’y retrouvais néanmoins beaucoup de géologues de la France d’Outre Mer entre lesquels restait une forte amitié.
Nous eûmes à subir les fantaisies de quelques Directeurs prétendant nous imposer des normes américaines, mais beaucoup de travail et beaucoup de chaleur humaine.
Au total, je me suis senti entouré d’amitiés sans jamais rencontrer de véritables oppositions. Je fis de mon mieux et je n’ai laissé au BRGM que de bons souvenirs comme ce fut le cas avant à Nancy.
Dans tous les cas, c’est l’amitié qui prime, vous en donnez aujourd’hui une preuve à laquelle je suis extrêmement sensible.
Vive Nancy, vive le CRPG et vive les anciens élèves et leur Président !