L’Hermione est une reconstruction d’une frégate du XVIIIe siècle. En 1780 commandée par Latouche-Tréville, elle a conduit le marquis de La Fayette aux Amériques, afin d’apporter le soutien de la France à la toute jeune nation américaine dans son indépendance. Une équipe de passionnés a reconstruit cette frégate dans l’arsenal maritime de Rochefort entre 1997 et 2014. Le symbole est fort tant pour les passionnés d’histoire que pour le public : 235 ans plus tard, l’Hermione refait le voyage historique vers les États-Unis.
En mars 2014 j’ai été recruté dans l’équipage volontaire de l’Hermione en tant que gabier bénévole, c’est-à-dire un matelot qui s’occupe des manœuvres des voiles et des vergues dans le gréement et sur le pont. Les vergues sont de grandes traverses de bois sur lesquelles sont fixées les voiles. On forme avec les autres gabiers, 56 des 78 membres d’équipage. Le reste est un équipage professionnel principalement issu de la marine marchande ou de la marine nationale (commandant, second-commandant, cuisiniers, officiers de quart, voilière, charpentier, maître d’équipage, chefs de tiers, etc.)
J’étais amené à revenir sur le bateau encore en construction depuis mars 2014 afin de donner un coup de main à la mise en place du gréement et de la mâture. En octobre et novembre 2014 j’ai effectué deux semaines d’essais en mer obligatoires au large de la pointe Finistère bretonne et jusque dans l’Atlantique. De retour de ses essais réussis, la frégate est retournée dans l’arsenal maritime de Rochefort où elle a été construite afin de préparer le grand voyage vers les États-Unis. Le 18 avril 2015, l’Hermione quittera la rade de l’île d’Aix en Charente-Maritime pour entamer un périple de plus de quatre mois et demi de mer.
Fin juin. Après une soutenance de stage terrain la veille à l’école, je quitte Nancy pour Paris afin de prendre un avion qui m’emmène aux États-Unis. De là, avec un petit groupe de marins, nous rejoignons Philadelphie pour assurer une relève de l’équipage. L’Hermione participe à Philadelphie au rassemblement des Tall Ships Of America. Une régate entre les grands voiliers a lieu au sortir de la Delaware River. Le 4 juillet jour de l’indépendance américaine, l’Hermione est invitée d’honneur à une parade nautique sur l’Hudson River et le long de Manhattan. Avec l’équipage, nous assistons le soir à un des plus grands feux d’artifice au monde, celui du 4 juillet à New York ! S’ensuivirent des escales fantastiques dans les plus grandes villes de la côte est Américaine : Philadelphie, New York City ou Boston, mais aussi dans des villes plus petites où l’accueil fût chaleureux et festif : Greenport, Newport, Castine ou Lunenburg au Canada. Les escales duraient entre deux et quatre jours, les visiteurs étaient nombreux à monter à bord, parfois plus de 3000 personnes par jour. Pendant nos journées de service à terre, un jour sur trois, on devenait guides improvisés sur le pont pour des visiteurs curieux.
Le 23 juillet 2015, nous accostons à Saint-Pierre-Et-Miquelon, un territoire français reculé dans le Grand Nord canadien situé au sud de Terre-Neuve. L’accueil est important avec une grande partie de la population locale sur les quais. L’archipel est composé de deux îles principales, Saint-Pierre petite et très peuplée au sud et Miquelon plus sauvage au Nord.
Après ces deux jours d’escale nous mettons les voiles le 24 juillet direction Brest. Ce fut le début d’une traversée de l’atlantique nord qui dura 18 jours et pendant laquelle nous avons pu contempler l’immensité des flots sans âme qui vive à l’horizon. Parfois, les conditions météorologiques furent musclées avec des vents de 45 nœuds établis et une houle avoisinant 8 m. Des cétacés et des dauphins ont croisé notre route plusieurs fois. Sur un grand voilier comme l’Hermione, l’équipage est réparti en trois tiers de travail : les tiers bâbord, tribord et milieu ; qui se relaye toutes les quatre heures pour les manœuvres de pont. Le restant du temps était occupé à dormir, à lire, jouer aux cartes, se reposer, bricoler ou jouer de la musique. Pendant la transatlantique, j’étais affecté au tiers tribord avec une vingtaine de membres d’équipage. Nous effectuions deux quarts de quatre heures de travail tous les jours aux mêmes horaires, de minuit à 4 h puis de midi à 16 h. A chaque quart, quatre personnes étaient désignées pour alterner aux postes des barreurs, du rondier et du veilleur à l’avant du navire. La nuit, seules la lune et les étoiles nous éclairent sur le pont. Le navire est signalé par ses feux de position à l’avant, à l’arrière et en tête de mât. Les manœuvres étaient souvent physiques, mais tout se déroulait au mieux grâce à la bonne cohésion entre les marins. Dans les cas d’extrême urgence, lorsque les conditions étaient trop éprouvantes, il fallait appeler un tiers en renfort ou la totalité de l’équipage sur le pont.
Après une traversée de plus de 3400 miles nautiques, nous apercevons les terres du Finistère au petit matin du 10 août. Une frégate militaire nous escortera en premier suivie par des centaines d’embarcations en tous genres : bateaux de plaisance, voiliers historiques, remorqueurs, vedettes de sauvetage, pneumatiques, etc. Les jours suivants furent des escales à Brest, Bordeaux avant de revenir au port d’attache de l’Hermione à Rochefort où plusieurs milliers de personnes attendaient impatiemment le retour de leur bien-aimée frégate !
Des images plein la tête et des souvenirs pour des années à venir, il est difficile de résumer ce voyage qui fût au-delà de nos espérances à tous !
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Victor Weber