Laurette, vous venez de recevoir la médaille de bronze du CNRS pour vos travaux en cosmochimie et en géochimie, pourriez-vous nous résumer vos travaux de recherche ?
J’étudie les météorites dans le but de comprendre la distribution de l’eau dans le Système Solaire jeune au moment de la formation des planètes.
Certaines météorites proviennent de petits astéroïdes qui n’ont pas évolué géologiquement depuis leur formation. Ces roches sont des archives de notre Système Solaire, il y a 4.57 milliard d’années et nous donnent accès à la matière présente lorsque la Terre s’est formée. Depuis ma thèse, je m’intéresse à la distribution des éléments volatils H, C, N dans le Système Solaire en étudiant différents types de météorites. Mes travaux récents ont porté sur les chondrites à enstatite, météorites qui présentent de fortes ressemblances isotopiques avec les roches terrestres. Ces météorites nous indiquent que les briques de la Terre étaient sûrement moins sèches qu’initialement supposées.
Vous êtes diplômée de l’ENSG (2008) et avez réalisé une ensuite une thèse de doctorat au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, un post-doctorat à l’Université d’Hokkaido et deux post-doctorats au CRPG. Pourquoi avoir choisi l’ENSG puis ce parcours recherche ?
En classe préparatoire, j’étais en filière Physique-Chimie/Science de l’ingénieur (PCSI-PSI), mais j’étais plutôt attirée par les thématiques plus sociales ou naturalistes. J’ai donc été heureuse de trouver l’ENSG dans la liste des écoles que je pouvais intégrer à l’issue des concours, bien que mes connaissances en géologie était très limitées et remontaient au lycée !
Arrivée à Géol, j’ai découvert la géochimie et la cosmochimie à travers les cours de Bernard Marty (professeur ENSG), Marc Chaussidon et Guy Libourel (anciennement professeurs à l’école) et ces thématiques m’ont tout de suite passionnées. J’ai donc frappé à la porte du CRPG pour un premier stage volontaire en 1A qui s’est poursuivi en “projet 2A” et qui m’a donné envi de poursuivre dans ces thématiques en doctorat.
Quel message/conseil donneriez-vous aux élèves-ingénieurs de l’ENSG qui hésiteraient à se lancer dans une carrière recherche après l’obtention de leur diplôme d’ingénieur ?
Je pense que si on est attiré par la recherche, cela vaut vraiment le coup de faire des stages en laboratoire pour voir comment se passe le quotidien des chercheurs (on a parfois des a priori qui sont assez loin de la réalité) et s’orienter dans le choix d’une thématique de recherche. Les masters recherche, comme le Master 2 Terre & Planètes pour lequel les étudiants ont la majorité de leurs cours au CRPG, est aussi un très bon moyen de se confronter au milieu de la recherche et de savoir à quoi ressemble le travail dans un laboratoire.
La thèse est une expérience très formatrice qui apporte généralement une grande autonomie et un recul qui peut être utile quelque soit la carrière qu’on choisit par la suite. Le parcours pour devenir chercheur n’est pas un long fleuve tranquille, il faut être motivé, mais c’est néanmoins un parcours qui est très riche en apprentissage de toutes sortes avec un travail très diversifié (recherche, enseignement, transmission des connaissances, dimension internationale des échanges scientifiques, travail dans un ou plusieurs laboratoire(s) à l’étranger, etc.) et passionnant.
Vous avez fait part de votre volonté de partager vos connaissances avec les plus jeunes pour leurs « mettre des étoiles dans les yeux ». Pourquoi cette transmission vous tient-elle à cœur ?
Il me semble qu’une des forces de notre métier de chercheur est justement ce partage des connaissances. Cela est évidemment fondamental entre chercheurs du même domaine pour faire progresser nos thématiques. Mais, il est aussi très important de partager et d’échanger sur nos résultats avec le plus grand nombre. J’ai la chance de travailler sur des thématiques qui interpellent (les météorites et l’origine de l’eau sur Terre) et suscitent rapidement l’intérêt du Grand Public. C’est amusant de voir que les questions que nous posent des personnes complètement extérieures à au domaine nous font parfois reconsidérer notre façon même d’aborder certains de nos résultats !
Quels sont vos futurs projets professionnels ?
Parmi les projets qui me tiennent à cœur pour la suite, il y a l’analyse de l’eau dans des échantillons un peu différents des météorites que j’étudie habituellement : les micrométéorites, poussières extraterrestres de 25 à 500 µm de large qui on survécu à l’entrée atmosphérique, et les échantillons rapportés par les missions spatiales.
Depuis l’année dernière, je suis impliquée dans deux groupes de travail internationaux pour l’analyse d’échantillons d’astéroïdes rapportés par des missions spatiales japonaise (Hayabusa 2) et américaine (OSIRIS-REx). C’est une toute autre façon de travailler puisque les analyses de ces échantillons très précieux par un grand nombre de personnes et d’instruments entraînent des contraintes importantes mais aussi une dynamique de travail formidable.